dimanche 28 février 2010

Etape Amdo-Golmud






















C'est le toit du monde, à la fois d'une beauté sublime et d'une cruelle inhospitalité. L'altitude varie entre 4500 et 5200m.... la hauteur du Mont Blanc !!! La route serpente de col en col, parfois macadam acceptable, parfois festival de nids de poule. Des équipes d'ouvriers (souvent des femmes !!) entretiennent la route dans des endroits tellement isolés qu'on se demande où est leur base. Des nomades vivent dans des tentes misérables en bord de chemin. Il fait très froid. Nous subissons tous les climats: vent glacial, pluie, blizzard, neige !!! ce qui nous permet de constater que les essuie-glace ne fonctionnent pas; il faut s'arrêter régulièrement pour dégeler le pare-brise. Le klaxon meurt définitivement - or il est indispensable pour se signaler dans les dépassements. Panne de voiture (le câble de l'accélérateur), que Tenzin résout en pleine tempête. Tout cela dans un environnement inoubliable de montagnes enneigées et de steppes arides: beauté sans nom, solitude effrayante, les limites de l'humain. Troupeaux de yacks, une antilope égarée. Où sont les hommes ?

Convois militaires


A la sortie d'Amdo, un immense camp militaire en bord de route; obligés d'attendre le passage d'un convoi interminable. Ce n'est d'ailleurs pas le premier que nous croisons ! Oui, l'armée chinoise est omniprésente au Tibet.

samedi 27 février 2010

Amdo (suite)
















Amdo est à la fois une province et une localité; après une journée à grelotter dans la Toyota - la splendeur du paysage compensait largement cet inconvénient - nous atteignons l'étape de la nuit: une bourgade au milieu de nulle part, sinistre, quelques maisons à toit plat à la mode tibétaine et surtout du béton à la chinoise. Un pont au-dessus d'un large torrent boueux permet d'accéder aux deux rues défoncées et sales: les villes du toit du monde n'ont rien de poétique.
Ici pas d'hôtel selon nos conceptions bourgeoises (le bus ne s'arrête pas avant Golmud), juste un "guesthouse" à la chinoise; dans un bâtiment de type soviétique, une série de chambres (3 lits) donnant sur un long couloir; pas de clé ni de verrou aux portes; literie douteuse; en guise de salle de bains un seau d'eau devant chaque porte, dans le couloir; les commodités tout au fond, cad une pièce unique, sans porte, deux trous (un pour les dames, un pour les messieurs ?) et, comme décrit précédemment, la nécessité de slalomer entre les matières pour y parvenir; la "gérante" habitant avec sa famille - quelques enfants sales - dans une des chambres, servant également de cuisine malodorante. Pas l'ombre d'un robinet dans cette construction; d'où venait l'eau des seaux ?

Par contre, la police est bien présente; plusieurs contrôles peu aimables (dans la rue, à l'hôtel), et une double injonction: pas de photo et prière de déguerpir le lendemain à l'aube... Les Européens ne sont pas les bienvenus.

Trouver un restaurant, mission presqu'impossible; une espèce de gargote propose au comptoir des petits animaux entiers, apparemment fumés, qui semblent... des rats; Tenzin nous explique par gestes que "ce n'est pas bon pour nous"; merci Tenzin, c'est bien notre avis; et finalement un Chinois affable dans une boutique déserte accepte de nous préparer un poulet piquant à la mode du Sichuan.

C'est que Amdo n'est plus une bourgade tibétaine, c'est une ville colonisée par les Chinois, sous haute surveillance; un noeud de routes stratégique, nécessitant un vaste déploiement militaire sous la forme d'un immense camp que nous longerons le lendemain..
Quelques photos à la sauvette...

vendredi 26 février 2010

Amdo




Que le précédent message ne vous décourage pas de voyager en Chine ou au Tibet ! Que sont ces inconvénients mineurs à côté du bonheur de la découverte ?


Après l'épisode du lac Namso, nous avons continué sur une route de plus en plus difficile, de plus en plus sinueuse, de plus en plus en altitude, pour parvenir à un col à 5150 m, une altitude moyenne, vu les différences d'appréciation... Un froid sibérien, un vent d'enfer et une voiture qui tient le coup, malgré les difficultés !

Commodités chinoises

Voilà une parenthèse utile... Si dans les hôtels les salles de bains sont d'honnêtes salles de bains munies des accessoires habituels, les toilettes publiques sont de véritables curiosités.
J'en ai expérimenté de deux sortes:
- la rigole; vous posez une jambe de chaque côté, vous vous accoupissez si vous êtes souple; si la pente est suffisante, vous voyez les matières descendre lentement vers leur dernier sort, que je préfère ignorer; aucune séparation d'avec les autres visiteurs, en file indienne... (mais les sexes sont séparés)
- le bâtiment sur pilotis; deux vastes espaces séparant les dames des messieurs, munis de trous dans le plancher; pour atteindre ces trous, il faut enjamber les matières et les papiers souillés; il faut croire que la plupart des clients n'atteignent jamais les trous...; au cas où vous y parviendriez, tout s'écoule dans le vide, et, porté par le vent, atterrit sous le bâtiment ou ... plus loin; le permafrost ne permet sans doute pas de creuser. Essayez d'imaginer le paysage et l'odeur.
La décence m'empêche de publier des photos.

vendredi 19 février 2010

Déjeuner à Yangbajain




Retour à la grand-route, adieu lac Nam So; pour le déjeuner, Tenzin nous emmène dans un boui-boui qui doit accueillir des trekkeurs ou des étrangers pour le chemin de fer, car la carte est traduite en anglais !!!! En bons Belges, nous choisissons fried potatoes, mais déception sur toute la ligne (voir photo). En tout cas nous recevons un traitement de faveur, une salle isolée rien que pour nous, loin de la pièce commune enfumée.
Curieusement, sur la route, les restaurants sont tenus par des Chinois; si ce sont des Hui, sûr qu'on aura du mouton, si ce sont des Han, tout est possible dans le régime végétal ou animal, vaut mieux s'en tenir au poulet.
Remarquez l'inévitable bouilloire: le thé, boisson sacrée, mais parfois, rien que de l'eau chaude...
Dans la salle commune, le nouveau symbole du Tibet: le nomade et le Chinois affairé avec son portable.

Le lac Nam So






















Probablement un endroit idyllique... à la bonne saison ! Mais voilà, nous sommes en avril, le lac est gelé et il disparaît sous le brouillard. Ce qui n'empêche pas les Tibétains de se jeter sur les deux seuls touristes qu'ils ont à se mettre sous la dent par ce froid... Promenade à cheval, merci bien, ce sera pour une autre fois; il fait froid dans la voiture, mais dehors, c'est la Sibérie !
Quelques pas pour les photos, et je me rends compte que l'endroit est exploité touristiquement par une poignée de nomades - qui se laissent aimablement photographier contre des yuans... Il y a même un "hôtel restaurant" (c'est écrit), village de toile à l'usage des trekkeurs qui font le tour du lac.
A vrai dire j'ai beaucoup aimé cet endroit, malgré le froid, il y régnait une atmosphère quasi mystique; j'y serais bien restée une nuit, autour d'un feu de camp, à écouter des légendes, à évoquer Alexandra David-Néel - mais il nous fallait reprendre la route...

La steppe d'altitude







Nous avons prévu un détour par le lac Nam So. Après le paiement d'une taxe à un poste de péage (nous entrons dans un "parc national"), nous grimpons péniblement une route en lacets - même les camions super polluants nous dépassent ! Malgré tout, nous atteignons le sommet - et là une vision d'apocalypse, une steppe à perte de vue, balayée par les vents, particulièrement inhospitalière; et dans ce désert du froid, des gens habitent, sous des tentes brunes; de quoi vivent-ils ? Comment vivent-ils ?
A côté des misérables cabanes, moto ou camion, comme en Mongolie, nouveaux accessoires des nomades.
PS Je sais, ma carte est nulle, mais ça vous donne quand même une idée du chemin parcouru...

jeudi 18 février 2010

Le plus haut train du monde


Nous sommes en avril 2006, et il sera inauguré au mois de juillet de la même année. Il suit plus ou moins la route, disparaissant en tunnel pour éviter les cols. Cà et là des ouvriers y travaillent encore, consolidant les talus. C'est un ouvrage gigantesque, dans un environnement hostile et glacial, qui a dû coûter cher en vies humaines.

Ce train qui relie Pékin à Lhassa et auquel le Dalai lama s'opposait sonne le glas de l'isolement du Tibet.

J'ai lu récemment que la fonte du permafrost (qui semble inéluctable)menace la solidité des voies... on n'a pas fini d'en parler !

Premiers kilomètres




Certes il existe bien un service de bus (36 heures non stop minimum) entre Lhassa et Golmud... Mais à Golmud nous sommes encore loin de Dunhuang ! Notre contrat avec Snowland prévoit trois jours de voiture pour arriver à Dunhuang, avec nuits à l'hôtel de notre choix.


Les premières heures sont agréables; après Lhassa, c'est la montée vers les montagnes (les cols vont dépasser les 5000m), dans un paysage grandiose de montagnes; il fait plein soleil; la route asphaltée est correcte, on croise des camions, des charrettes tirées par des tracteurs; quelques villages, avec l'inévitable mât de prières; dans les champs des troupeaux de yacks, certains arborant de gros pompons rouges.


Nous comprenons vite que si notre indépendance est totale, notre confort est relatif; pas de chauffage; l'avertisseur sonore (un accessoire indispensable) pend au bout d'un fil; le papier adhésif retient au tableau de bord de nombreux éléments qu'on trouve essentiel en occident - et last but not least, le moteur est très poussif et il peine dans les côtes, au point de se faire dépasser par des camions...


Qu'à cela ne tienne, nous sommes à l'assaut du toit du monde, pleinement heureux !

En route pour l'aventure


Il y a bien d'autres monastères à découvrir au Tibet, bien d'autres itinéraires possibles et magnifiques. Mais nous voilà pris par le temps, il nous faut continuer notre route vers le Xinjiang; Lhassa n'est qu'une étape imprévue sur la destination primitive.

Examinez la carte: notre but est Dunhuang. C'est loin, loin...

Aucun vol direct; pas moins de 4 avions aux horaires fantaisistes pour y arriver, et une perte de temps dans des villes sans intérêt. Nous décidons de louer une voiture avec chauffeur. Je vous épargne les longues tractations à l'agence Snowland la bien nommée.

Notre véhicule est une vieille Toyota qui ne passerait pas le contrôle technique; le chauffeur un tibétain qui ne parle pas un mot d'anglais, nous ne comprenons même pas son prénom; je le baptise Tenzin, comme l'actuel Dalai lama.

Et nous voilà sur la route, confiants, sous la protection d'un yack doré et d'une écharpe multicolore, aux mains gantées de blanc d'un Tenzin taciturne.

Tsampa et thé au beurre




Mes fidèles lecteurs connaissent cette particularité de mon caractère qui me permet d'apprécier pratiquement tout ce qui se cuisine dans le monde. Mais bon...il y a certaines limites à cette heureuse disposition. D'autant plus que Ronald est moins porté que moi sur l'exotisme culinaire.
Nous n'avons goûté ni la tsampa ni le thé au beurre, sauf moi lors de notre deuxième voyage en Chine, dans un restaurant tibétain de Kunming, dans le Yunann; j'ai remis le couvert dans un restaurant tibétain à ... Montmartre, avec Françoise D. Honnêtement, ce n'est pas terrible.
La tsampa est une bouillie d'orge - la seule céréale qui pousse à cette altitude, l'aliment de base sur le toit du monde; on la mélange au thé salé au lait, enrichi de beurre de yack. Quand je pense que ce fut la seule nourriture d'Ella Maillart pendant son fameux périple entre Pékin et l'Inde, je me sens vraiment nulle comme éventuelle exploratrice...
Photos: tsampa et étal de thé au marché

Le Norbulingka




Ou palais d'été du Dalai lama; c'est d'ici qu'il prit la fuite, en 1959; émouvante visite des appartements privés; un seul portrait du Dalai lama est encore accroché au mur, et le circuit de visite est conçu de telle façon que ce portrait ne soit visible que de biais, pour éviter les prosternations des pèlerins.
Le parc nous a semblé bien négligé; photos interdites à l'intérieur.
A Dharamsala, en Inde, là où réside l'actuel Dalai lama, un nouveau monastère Sera a été construit, ainsi qu'un Institut Norbulingka, destinés à former les nouveaux moines et à préserver la culture tibétaine..

Le monastère de Sera






















Autre monastère important des environs de Lhassa. A beaucoup souffert de la révolution culturelle, détruit, pillé, vidé de ses 5000 moines; un haut lieu de la contestation. Reconstruit, il n'accueille plus aujourd'hui que 200 à 300 moines, surveillés et endoctrinés.



L'après-midi, les moines se réunissent dans la cour pour s'exercer au débat philosophique - ils testent ainsi leur connaissance des textes et leur vivacité d'esprit; photo d'archives, nous n'avons pas eu la chance d'assister à ces joutes. C'est ici aussi qu'étaient formés les dob dob, moines guerriers armés, souvent redoutables, utilisés comme bodyguards des chefs religieux, ou comme service d'ordre (photo d'archives). J'imagine que les Chinois ne les tolèrent plus...


A défaut de joutes philosophiques, nous avons pu admirer un mandala pratiquement terminé, cad une représentation en sable de la déité, symbolique et souvent abstraite, patient exercice de méditation pendant la confection et après. Et aussi visiter une bibliothèque - les livres tibétains sont des pages superposées et non attachées (pas pratique, vous en conviendrez). A l'extérieur, des pèlerins, taches noires sur le visage, signe d'une bénédiction.

Drepung
















Pour visiter les environs de Lhassa, nous avons pris un guide local, dont je tairai le nom et ne publierai pas la photo, par prudence; en 2006, il y avait comme un petit relâchement entre les touristes et la Chine, la preuve en est que nous ayons pu aller au Tibet en individuel, mais depuis, les derniers événements ont pourri la situation. Notre guide - jeune quadragénaire tibétain - pratique l'anglais à la perfection, mais aussi le chinois, et il confirme que pour grimper les échelons sociaux, il n' y a pas le choix, c'est l'assimilation forcée; il parle encore tibétain, mais ses enfants...Que le Dalai lama vienne en Belgique le fascine, il nous interroge à ce sujet. Malgré son probable scepticisme personnel vis-à-vis de la religion, il garde un respect absolu pour le Dalai lama.

Ce guide était un homme remarquable et sage sur de nombreux plans - l'incarnation du futur du Tibet ? - et j'espère qu'il va bien.
Drepung est un immense monastère qui abritait, au temps de sa splendeur, jusqu'à 10000 moines; bâti dans la montagne en différentes terrasses, il est vraiment impressionnant. Siège politique et religieux du Tibet avant la construction du Potala. Nid d'intrigues politiques sous le règne des dalai lamas. Université religieuse réputée. Contient toujours d'immenses trésors en oeuvres d'art, tangkas, statues, livres sacrés. En 2006, à peine 500 moines, encadrés d'une administration chinoise chargée de les surveiller.

Pour photographier l'intérieur, il faut payer - seul de nous deux Ronald a payé la taxe.

Les toits de Lhassa







Le troisième jour de notre séjour à Lhassa, il s'est donc mis à neiger ! Transis de froid, toujours en proie au mal d'altitude, nous avons quitté notre trou à rats pour un hôtel plus confortable, le Dhood Gu, une petite merveille, en plein centre historique, mais pas sur le trajet du Barkhor; je ne peux que renseigner cet hôtel (de prix modéré) à tout candidat à un logement à Lhassa. Pas de site Internet à ma connaissance, mais renseigné par tous les bons guides...

Accueil charmant avec la traditionnelle écharpe blanche, meubles tibétains colorés, décoration délirante dans le style népalo-tibétain, restaurant de qualité, service impeccable - et, cerise sur le gâteau, une terrasse sur le toit avec un paysage fabuleux !!!! Plates-formes, drapeaux de prière, montagnes enneigées et au loin, le Potala

mardi 16 février 2010

Le quartier musulman de Lhassa




Eh quoi, me direz-vous, des musulmans à Lhassa ?? Et bien oui, ici ou ailleurs en Chine ! Il s'agit de l'ethnie hui, similaire dans les apparences à l'ethnie han, à laquelle appartiennent la grande majorité des Chinois. Impossible de distinguer les Hui des Han- juste qu'ils pratiquent l'islam au lieu des différentes formes du bouddhisme. Ils sont 10 millions en Chine, répartis un peu partout dans le pays.


A Lhassa, ils occupent un quartier autour d'une mosquée, qui paraît un peu incongrue à quelques pas du Jokkhang. Quand on s'y promène, on retrouve l'ambiance orientale des pays musulmans, femmes en foulard, hommes la tête couverte d'un calot. Ne pas les confondre avec les Ouïgours, turcophones peuplant le Xinjiang, au nombre d'environ 8 millions - qui sont le but premier de notre voyage, dont je parlerai bientôt.

Et les moines ?




Oui, bien sûr, on en voit dans les rues, tout de rouge vêtus; souvent ils mendient, mais parfois ils semblent ne pas en avoir besoin !
Photos: à chacun son portable !!!